mercredi 15 janvier 2020


Surf de FrÉdÉric Boudet
sÉlection Mes premiÈres 68






- Guenon de Pierre-Antoine Brossaud aux Éditions du Rouergue Jeunesse
- Les fantômes d'Issa d' Estelle-Sarah Bulle à l'école des loisirs
- Ceux qui ne peuvent pas mourir - Tome 1 : La bête de Porte-Vent de Karine Martins - Autrice chez On lit plus fort | Gallimard Jeunesse
- Ogresse d' Aylin Manço aux Éditions Sarbacane
- Surf de Frédéric Boudet chez éditions MeMo
- Mon Eden d' Hélène Duvar chez Le Muscadier
- Nos bombes sont douces de Frédéric Vinclère aux éditions Le Calicot

jeudi 21 novembre 2019


POLYNIES À MONTREUIL


Y a-t-il des humains de glace ? En cette dernière année de publications polyniennes, chacun des six romans répond à cette question avec une conscience exacerbée autour d’une ligne commune, l’invention d’une manière de vivre ensemble. S’agit-il de porter attention, de porter secours ou de porter atteinte à l’autre ? Accueillir en son monde malgré les incompréhensions et les difficultés (Hamaika et le poisson, Pierre Zapolarrua, ill. Anastasia Parrotto), pénétrer par un amour éternel, sans arrêt, l’histoire lointaine et secrète (L’arrêt du coeur ou comment Simon découvrit l’amour dans une cuisine, Agnès Debacker, ill. Anaïs Brunet), se risquer hors de soi pour sauver l’ami malgré toutes les tempêtes (Pombo Courage, Émile Cucherousset, ill. Clémence Paldacci), révéler son for intérieur grâce aux voix cultivées des proches en une fraternité féroce ( Surf, Frédéric Boudet), voir le monde comme une incessante redécouverte enfermée dans une boîte offerte (Petit Garçon, Francesco Pittau, ill. Catherine Chardonnay), survivre en s’entraidant en un monde abîmé et totalement fêlé (La Chose du MéHéHéHé, Sigrid Baffert, ill. Jeanne Macaigne). La politique de l’autre, le nous en friche et sans cesse en cavalcade, la sédition poétique, et l’écriture, la lecture considérées comme la création d’une langue partagée, cette chaleur ouverte au monde. Se tenir, œuvrer, lutter ensemble. Que fonde la glace.
Chloé Mary, Directrice des collections Polynies







Samedi 30 novembre (stand F6, 1er étage)

Émile Cucherousset, Camille Jourdy Clémence Paldacci
Truffe et Machin et Pombo Courage : 11h

Francesco Pittau & Catherine Chardonnay
Petit Garçon : 14h

Pierre Zapollarua & Anastasia Parrotto
Hamaika et le poisson : 16h


Dimanche 1er décembre (stand F6, 1er étage)

Frédéric Boudet
Surf : 11h

Agnès Debacker
L’arrêt du cœur ou comment Simon découvrit l’amour dans une cuisine : 15h

Sigrid Baffert & Jeanne Macaigne
La Chose du MéHéHéHé : 17h

lundi 28 octobre 2019


LES MOTS ET LES CHOSES


©Jeanne Macaigne

"Vous parlez bien de La fâcheuse féroce fourbe furieuse Krakenko?"
Jeux de sonorité et allitération pour cette aventure sous-marine pleine de rebondissements et visuellement surprenante. L'homme est un mystère pour le microcosme sous-marin dont le règne animiste possède ses propres codes. La description des profondeurs marines émerveille autant qu'elle effraie et stimule la tolérance, la solidarité et l'empathie. Ce périple jusqu'au ventre du monde rappelle aux lecteurs les enjeux écologiques de notre temps. Il est plus que nécessaire de semer les graines pour une initiation précoce des jeunes enfants aux travers de la nature humaine et de la pollution. Ce questionnement est suscité par les trois pieuvres qui voient flotter un mystère. La grande liberté interprétative fait nager le lecteur dans l'inconnu et sensibilise les enfants aux problèmes écologiques; elle leur donne les moyens de se positionner. Ce recyclage des idées folles n'est pas une recherche esthétique gratuite mais au service du jeune lecteur. Il est sollicité sur un registre inhabituel, en plus de la recherche de la complicité, l'autrice cherche une confiance bienveillante en la sagacité du lecteur. Une proposition ouverte où l'imaginaire se nourrit des lieux, des créations et des histoires rencontrées. Le milieu océanique favorise l'évasion et l'émotion. L'océan devient écomotif où l'autrice rend sensible la complexité de l'interaction entre l'humain et la nature, en réinventant et en confrontant le langage et l'imagination à une nouvelle donne environnementale. Ce petit livre fait réfléchir le destinataire en l'impliquant émotionnellement et esthétiquement. Le recours à l'humour multipliant images insolites et jeux de mots aborde l'écologie dans un cadre référentiel inhabituel. Ici, le monde sous-marin, sa population en collégiale, décide de venir en aide à l'humain. La dimension poétique donnée aux images et au texte permet d'entendre le double sens de cette nouvelle manière d'écrire le monde, au delà de la visée créatrice et réflexive.
Coup de cœur
Paolina Miceli

Un enfant a besoin de nourritures intellectuelle, morale et physique, son esprit se nourrit d'idées et il est de notre ressort à nous parents de lui offrir un terrain d'études riche et généreux.
J'ai été véritablement enchantée de rencontrer l'éditrice Chloé Mary, elle porte en elle cet amour pour la Littérature, celle avec un grand L, celle qui ne devrait jamais être convenue, qui est riche en sentiments, sensations et parfois même déstabilisante.
La collection Polynie a offert aux jeunes lecteurs, des textes exigeants, drôles ou bouleversants et je suis désolée de la voir s’éteindre après ce dernier roman, excellent, qu'est La chose du MéHéHéhé, de Sigrid Baffert, merveilleusement illustré par Jeanne Macaigne.
Ce roman je l'ai lu dans mon bain, comme une plongée dans son élément principal, l'océan. À peine quelques lignes lues et voilà que je le récitais à haute voix. C'est là toute la puissance d'un texte bien écrit, les mots s'emparent de vous, ils vous envahissent et se manifestent, on ne peut s'empêcher alors de les faire vivre.
Sigrid Baffert a une grande qualité, elle possède une plume vivante, elle vous embarque dans son monde, vous fait sourire tout en vous montrant délicatement la triste réalité des choses et sa dernière phrase, si modeste et pourtant si puissante, résonne encore dans votre esprit, bien après que le livre soit fini.
Je ne veux pas vous en faire un résumé, vous pouvez le trouver facilement sur le site des éditions MeMo , je veux juste vous inviter à le lire et à l'offrir.
Ma fille, elle qui hésitait à le lire, l'a finalement dévoré. Elle aussi a eu envie de m'en lire des passages et s'est finalement exclamée: "tu avais raison maman, ce livre est magnifique !".
Oui la belle littérature est magnifique, elle vous emmène là ou aucun voyage ne pourra jamais vous emmener, au coeur des hommes.
Quelle tombée de rideau ! Merci pour cet incroyable voyage littéraire, merci d'avoir réveillé mon amour pour la littérature, lui qui était dormant depuis quelques temps.
Et bravo à tous pour ce travail, ce pari fou, non ce n'était pas rien, au contraire ce fut tout.
Petite Fleur Loves Books

©Jeanne Macaigne


La Chose du MéHéHéHé, c’est le petit dernier de la collection Polynie… Et c’est tout simplement dé-so-pi-lant ! Je crois n’avoir jamais été déçue par cette collection.
Saï, Mo et Vish, trois pieuvres aventureuses, viennent de trouver une Chose bien étrange, qui flotte à la surface de la mer. Et pourtant, des choses bizarres, elles ont l’habitude d’en voir ; des choses qui tombent du ciel tous les quatre matins qui finissent par tapisser le fond de la mer. Des choses rondes, carrées, tordues, du plastique, des tiges… des crachats noirs déversés sur leurs têtes. Mais cette Chose-là est différente. Elle a des rayures rouges et blanches ; elle est dure comme un coquillage géant d’un côté et molle comme des algues brunes de l’autre. Et cerise sur le gâteau, cette Chose est aussi grosse que Krakenko, l’orque ogresse !!
Un Tcha-kou-tcha d’urgence s’impose. Les pieuvres filent rassembler la communauté d’anémones albinos, oursins bicéphales, méduses mercureuses, poissons velus, crevettes bouffies, huîtres huppées, concombres de mer et autres créatures farfelues des fonds marins, afin de débattre du pourquoi du comment de cette Chose. Ils décident de consulter le Grand Bras-Ma… Et si cette Chose venait tout simplement du MéHéHéHé…?
Les dessins de Jeanne Macaigne m’ont conquise : tout simplement sublimes, parfait contraste entre les bestioles colorées et l’obscurité des fonds marins – une très belle palette de couleurs. Les illustrations se marient à merveille avec l’écriture de Sigrid Baffert et nous propulsent immédiatement dans son univers déjanté et pétri d’un humour comme je les aime. J’ai aimé découvrir ce monde à travers les yeux d’une faune sous-marine attachante et insolite – et tous ces néologismes croustillants !
Ce petit roman est un concentré d’humour et d’imagination fertile. C’est désopilant et savoureux à souhait. Un roman jeunesse intelligent et engagé puisqu’il choisit d’aborder la question écologique en réinventant le point Nemo…
« Croyez-moi, qui dit humain quelque part, dit début des emmerdements. »
Les livres de Folavril****

Quel plaisir de retrouver l’écriture de Sigrid Baffert, tant apprécié avec Krol le fou puis plus tard avec La marche du Baoyé, cette auteure est talentueuse, elle joue avec les mots comme on joue de la flûte, c’est enchanteur !
Elle nous surprend à chaque parution. Après la marche dans le désert brûlant, la plongée dans les tréfonds de l’océan. On s’enfonce sans couler, dans l’eau claire, on danse au creux des vagues, on danse au rythme des phrases, et on quitte à regret cet univers aquatique, on le quitte en se disant qu’on y reviendra.
Cette histoire est enlevée, drôle, mais elle traite d’un sujet important : les déchets spatiaux que les humains envoient au fond de l’océan. Trois mignonnes petites pieuvres tentent de découvrir quelle est la chose qui flotte à la surface de l’eau alors que d’ordinaire, les morceaux qui tombent du ciel s’enfoncent toujours dans la mer.
Des personnages fous, des idées folles, une Chose mystérieuse, tout cela amplifié, et même magnifié par les illustrations extraordinaires, colorées, pleines de détails de Jeanne Macaigne et on se laisse prendre au jeu avec un bonheur indicible. De la fantaisie intelligente ! Tout ce que j’aime !
Un petit bijou pour les enfants (et leurs parents, leurs grands-parents, leurs oncles et tantes, bref ! tous les adultes qui aiment l’excellente littérature jeunesse, pleine de références juteuses) à partir de 9 ans. Une chose est sûre, mes élèves vont avoir droit à déguster ce petit bijou.
Le blog de Krol

« – La Chose du MéHéHéHé. He he !
– Fais voir ? Mé-Hé-Hé-Hé. Ah oui. MéHéHéHé !
– Tu nous le liras Maman ? Ça a l’air drôle.
– Ça pourrait faire peur, aussi, regarde la couverture. Moi, je trouve qu’elle a l’air inquiétante.
– Je maintiens que ça a l’air drôle, ce titre ! Très drôle, même !
– Effrayant, plutôt.
– Peut-être les deux à la fois ? »
Vous comprendrez bien qu’on ne pouvait pas en rester là ! Et comme nous avons la chance abyssale d’avoir reçu cette pépite en avant-première, nous n’avons pas tergiversé longtemps et avons plongé la tête la première dans le nouveau roman de Sigrid Baffert. Enfin, plus exactement, « au beau milieu du grand ventre bleu de la mer, loin, très loin de toute terre, loin, très loin de toute île ou de tout atoll ». Vous pensez peut-être que la vie dans ce monde d’algues, de crustacés et autres céphalopodes, ce n’est pas la mer à boire ? Et bien, vous vous fourrez le doigt dans l’œil ! Entre la terreur semée par un prédateur dont le seul nom suffirait à vous glacer le sang, la pluie d’objets hétéroclites qui s’abat continuellement sur l’océan et la joyeuse pagaille qui ondule et glougloute à l’abri des coraux, ce n’est pas vraiment le calme plat. Alors le jour où surgit une chose pas comme les autres qui flotte mystérieusement à la surface, c’est la goutte qui fait déborder le vase. L’heure est grave, et il se pourrait même que la chorégraphie du Tcha-kou-tcha, la danse de flati-fluti et l’invocation du grand Crusticé ne soient pas à la hauteur de la situation…
Les romans de la collection Polynie parviennent à chaque fois à me surprendre. Celui-ci est une déferlante de tout ce que nous adorons : beaucoup de fantaisie et de péripéties, des personnages désopilants (dont trois petites pieuvres qui ne sont pas vraiment du genre à se noyer dans un verre d’eau), un texte espiègle qui joue avec les mots, les fait onduler et les entrechoque pour notre plus grand plaisir. Le tout est sublimé par les illustrations de Jeanne Macaigne qui fourmillent de détails fascinants, souvent teintés d’une ironie réjouissante.
« Et si on lançait un référendum ? »
Comme dans d’autres romans de la collection (voir ici et là par exemple !), le registre est celui de la fable, mêlant fantaisie, réflexions philosophiques et clins d’œil à l’actualité la plus brûlante : comment les humains et leurs manies envahissantes peuvent-ils bien être perçus du fond le plus lointain des océans ? Comment réagir face à une menace potentiellement fatale ? Comment arbitrer entre prudence et envie d’assouvir sa curiosité, entre raison et superstitions ? Faut-il décider d’avoir peur ? Ou se refermer comme une huître ? Une réponse musclée ne serait-elle pas plus sûre ? On rit beaucoup, mais souvent jaune. La réflexion sur les dégâts infligés par l’Homme à la nature est subtile, mais fait densément écho à nos préoccupations et lectures récentes, notamment l’album Sur mon île, de Myung-Ae Lee.
Un roman drôle, intelligent et très original que je brûle de faire découvrir à toutes les petites crevettes de notre entourage !
Un grand merci à l’autrice pour sa jolie dédicace. C’est le cœur serré que je remercie également de tout cœur Chloé Mary et MeMo pour cette lecture – et tant d’autres ces derniers mois ! Des textes qui nous ont apporté des heures inoubliables d’émerveillement et d’échanges. Dont la saveur prend déjà le goût des meilleures madeleines de l’enfance…
« Elle n’avait pas de dents comme Krakenko, non, c’était même à se demander si elle avait une bouche. Pourtant Saï eut la sourde intuition que ce non-crustacé tombé du ciel à l’apparence inoffensive était une source inépuisable de calamités. »
« – Ça sert à rien de se cramer les branchies à foncer comme des turbots, lâcha-t-elle. Elle nous suit pas, la grosse Krakenko.
 Saï freina brusquement et se retourna à son tour.
– Ça alors, on ne l’intéresse pas, dit Saï, sidérée.
– C’est presque vexant, ajouta Mo. »
L’île aux trésors


Chloé Mary nous avait raconté qu’une polynie est un trou dans la glace qui permet de respirer, d’avoir de l’oxygène, exactement ce que sont ces livres. Je voulais juste souligner son édito de présentation des polynies dans les Nouvelles de Polynies du printemps 2018 : elle parle des lecteurs, elle nous parle et elle parle à vous : « Aujourd’hui, vous êtes les destinataires secrets des bouteilles jetées à la mer par ces auteurs de romans. Nous aimons l’idée que vous allez les trouver. C’est désormais votre lieu, votre lieu en commun » parce qu’elle dénonce des lieux communs un peu auparavant, et justement, je parle de Chloé Mary comme si elle était l’autrice de tous ces livres, là le dernier il s’agit de La Chose du MéHéHéHé. Je ne vais pas vous dire ce qu’est le MéHéHéHé parce qu’il faut le découvrir, mais c’est vraiment quelque chose de réel et de très drôle aussi, de Sigrid Baffert, des illustrations de Jeanne Macaigne et donc on est chez MeMo. Jeanne Macaigne qui avait déjà fait les illustrations de Milly Vodović de Nastasia Rugani. Là on va se retrouver presque à la surface de l’océan mais sous l’eau avec Mo, Saï et Vish, trois pieuvres qui ont vu un truc vraiment bizarre, une Chose comme elles appellent ça, une Chose à la surface de l’eau qui est assez inhabituelle. Juste pour vous montrer le ton - je suis toujours émerveillée par ces textes, par cette originalité, c’est des choses que moi je ne lis nulle part ailleurs, surtout pour cet âge-là -, l’auteur dit : « Au-dessus de leurs têtes, la Chose flottait comme un malentendu à la surface de l’eau ». Ça commence comme ça. Moi, je trouve ça extraordinaire. Et donc elles vont ameuter évidemment le peuple de l’océan avec les calamars, différents coquillages, des poissons pour découvrir ce qu’est cette Chose-là, c’est très intriguant : est-ce que c’est de la même espèce que Krakenko, l’énorme orque qui les bouffe tous les quatre matins ? est-ce qu’elle est agressive, etc. ? Je ne vous en dis pas plus. Par contre, à la fin on découvre qu’il existe – et j’adore apprendre des choses lorsqu’elles sont reliées au réel, lorsque ces choses si belles, si magnifiques sont reliées au réel – il existe un lieu dans l’océan le point Nemo, point le plus éloigné des terres où on a jeté tous nos détritus, nos déchets, spatiaux. Ces trois pieuvres adorables vivent dans le point Nemo et s’est développée une espèce de faune autour du point Nemo. Je ne vous en dis pas plus. Je vous en dis juste un peu plus sur les illustrations qui sont absolument somptueuses. C’est magnifique. Ce petit livre, c’est un tout. C’est un régal des yeux, un régal des oreilles, un régal pour le cerveau, c’est un vrai massage de cerveaux et en plus on apprend plein de choses.
L’autre radio, Onlikoinou Simon Roguet Véronique Martin


Derrière ce titre énigmatique, qui fleure bon les antipodes, se cache une pépite. Une pépite artistique, cocasse, écologique, poétique.
Voilà un livre qui décoiffe, qui échevelle, écrirait son auteur, Sigrid Baffert.
Son « appétit d’imaginaire », selon ses propres termes, propose à ses jeunes lecteurs une histoire étrange et belle qui s’annonce d’emblée bien mystérieuse.
L’entrée dans le roman ne comporte pas de mots, seulement des images, d’éloquentes images de naufrage et de fonds marins.
Le sujet étant ainsi abruptement lancé, le lecteur plonge aussitôt dans l’aventure.
L’affaire peut effrayer : les textes évoquent un monde totalement inconnu, les illustrations confirment une absolue perte de repères.
Mais l’heure n’est pas à la tergiversation, le lecteur se trouve rapidement mêlé à la conversation tenue par un trio d’êtres bavards  et affublés de prénoms hors norme. Ce sont, on l’apprend vite, trois pieuvres.
Mouvantes et filantes, curieuses et intelligentes, elles ont l’aspect, selon l’illustratrice Jeanne Macaigne, excusez du peu...  des Trois Grâces !
Il faut au moins cela pour entraîner sans façon le lecteur-plongeur-auditeur dans l’Antre qu’elles occupent avec toute une bande de squatteurs de la même eau.
L’endroit est surprenant mais protecteur. Les prédateurs, tenus à bonne distance, il fait office de cocon. Le lecteur peut enfin reprendre souffle et quiétude. Il peut même se laisser aller à l’admiration de ballets aquatiques exécutés par les habitants du lieu.
Il est donc devenu en quelques pages lecteur-plongeur-auditeur-spectateur.
De là à lui rajouter une casquette, celle d’acteur, il n’y a qu’un pas...
Un pas qu’il va franchir en s’immergeant dans cette captivante histoire, pleine de suspense.
L’univers dans lequel l’auteur l’invite est d’une grande richesse littéraire. Le registre de langue est tantôt soutenu, tantôt courant, teinté de familier, souvent un mélange détonnant et amusant des trois. Le lexique est abondant, nuancé, ciselé. Les mots, connus ou inconnus, existants ou inventés, appellent au jeu : jeux de mots, jeux de sens, jeux de sons.
Les illustrations, foisonnantes, vives, drôles, expressives, sont de véritables tableaux.
Textes et illustrations se confortent, se répondent et permettent une compréhension différenciée selon l’âge et la sensibilité des lecteurs
Les tout jeunes verront par exemple sur la couverture de drôles de petites bestioles dans un endroit bizarre. D’autres plus avertis penseront à Vingt mille lieues sous les mers, les plus expérimentés percevront peut-être l’inspiration de Botticelli faisant naître sa Vénus...
Un livre pépite, nous persistons et signons... De quoi rajouter une casquette supplémentaire à notre  lecteur-plongeur-auditeur-spectateur-acteur : celle de pêcheur de perles !
Encres vagabondes, Catherine Arvel


Trois jeunes pieuvres découvrent à la surface de la mer une Chose : c'est gros et ça ne coule pas. Chacune, en fonction de son caractère, commente et décrit cette Chose. Elles ont déjà vu, ces trois pieuvres, des choses crachées par le ciel, de formes rondes, coniques, tordues, toujours à moitié digérées ou brûlées; mais une Chose comme celle-ci, dure comme un énorme coquillage d'un côté et mou comme des algues de l'autre, et vivante, ça jamais ! Il faut prévenir les autres habitants des lieux, cela mérite au minimum un Tcha-kou-tcha d'urgence ! La Chose est-elle aussi glouton que le Krakenko, l'orque ogresse ? Faut-il entrer en contact avec elle ?… Sigrid Baffert nous offre un joli texte tout en rythme avec des passages drôles et croquants qui invitent à réfléchir sur la manière dont on considère ce que l'on ne voit pas. Ce roman est ponctué de magnifiques illustrations de Jeanne Macaigne dans les tons vert bleu où fourmillent les détails sous-marins réels ou imaginaires. Un dernier roman de la collection Polynie, à découvrir comme un grand ou à lire à voix haute, en famille et entre amis.
Sorcière du jour, Librairie La Marmite à Mots


# LE PÔLE D’INACCESSIBILITÉ #
Le quotidien des trois poulpes 🐙 🐙 🐙 Mo, Saï et Vish est troublé par un truc bizarre tombé du ciel. Sigrid Baffert nous immerge dans les fonds marins et nous invite à regarder autrement à la surface. Elle brode avec malice le revers d’un événement scientifique majeur de la conquête spatiale et nous alerte en passant sur la préservation des océans. Un roman drôle au point de vue original remarquablement illustré par la talentueuse Jeanne Macaigne à lire à partir de 9 ans.
Librairie Récréalivres


Le petit dernier de la collection Polynie chez MeMo. C’est encore une fois une réussite, à lire et à regarder en écoutant la mer 🌊
Librairie Au chien bleu

Des lectures drôles, belles, poétiques, et azimutées, à visiter tout.e seule.e ou accompagné.e !
La Régulière

En accord avec la météo, je reste dans l'élément liquide cette semaine.
Voici un récit dans lequel je me suis laissée carrément emporter. C'est qu'il s'en passe des choses sous la mer !
Le monde marin est en émoi : une chose est apparue à la surface de l'eau. Trois pieuvres inséparables, Mo, Saï et Vish l'ont découverte avec un mélange de curiosité et de peur. Et si elle avait une petite faim ? Comme Krakenko, l'orque qui terrorise les profondeurs.
Il faut en avertir les habitants de l'Antre, toute une colonie d'animaux marins qui ont tous un avis sur la question. On finit par se mettre d'accord : Le Grand Bras-Ma a peut-être une solution...
Quelle tonicité dans ce roman ! Récit à la fois légendaire et réaliste, il pose la question de l'écologie vue par ceux qui subissent les effets de l'homme en-dessous. J'ai adoré les dialogues, la curiosité, l'envie de comprendre, le bon sens de ces animaux marins plein de ressources imaginatives. Il pose aussi des questions essentielles : Faut-il toujours avoir peur de l'inconnu ? Comment l'humain est-il perçu dans les abysses ? Ne pas rester à la surface des choses mais tenter de comprendre ce qu'on ne voit pas, voilà ce à quoi nous invite ce récit.
Comme toujours dans la collection Polynie, ce texte de Sigrid Baffert mêle plusieurs regards : réflexion philosophique, humour dans les jeux de mots, entraide du petit peuple marin qui s'essaie à la démocratie (et auquel on s'attache instantanément) , problème de société actuel et infiniment de poésie dans un écrin d'illustrations de Jeanne Macaigne absolument époustouflantes dans les coloris, dans les perspectives, les mille détails parfois saugrenus à observer.
Le tout donne un roman réjouissant et profond (sans jeu de mots) à la qualité littéraire et graphique luxuriantes, à la chute épatante qui vous fera éclater de rire...et acquiescer !
Méli-Mélo de livres


Sigrid Baffert signe une fable sur la relation (et le manque de communication flagrant !) entre l’homme et la nature, délicieusement illustrée en couleur par Jeanne Macaigne. Une chose du Méhéhé («un condensé courtois du Monde-d’En-Haut-Et-Hors-d’Eaudes-Humains-Emmerdeurs ») flotte au-dessus du point Némo : le lieu des océans le plus éloigné de toute terre émergée, là où les hommes jettent leurs déchets spatiaux. La chose à rayures blanches et rouges, dont la matière reste indéfinie, suscite la curiosité de l’ensemble de la population des fonds marins, depuis les poulpes jusqu’aux anémones de mer. En effet, c’est bien la première fois que la chose qu’on leur envoie contient… un être humain !
Bibliotheca Jeunesse



Autour d’une drôle de chose tombée du ciel dans le bleu de la mer, Sigrid Baffert tricote avec humour et poésie un conte délicatement philosophique illuminé par les illustrations joyeusement flippantes de Jeanne Macaigne. À partir de 9 ans.
On ne sait si ce sont les illustrations qui entraînent les phrases ou les mots qui inspirent le ballet des dessins, tant est fluide et fécond le jeu texte/images. La couverture invite d’emblée à plonger dans l’aventure : trois petites pieuvres, de dos, regardent le monde extérieur à travers une sorte de fenêtre qui ouvre sur l’immensité du ciel et de la mer. On est « au beau milieu du grand ventre bleu de la mer, loin, très loin de toute terre, loin, très loin de toute île ou atoll ». En compagnie de Saï, « pieuvre méticuleuse et rigoureuse », de Mo, curieuse et intrépide, et de Vish, légèrement handicapée depuis qu’elle a ingéré par mégarde « un objet singulier qui traînait par là ». Et il en traîne beaucoup des objets à cet endroit-là du bleu de l’océan, depuis que les hommes ont fait de ce « point Nemo » le lieu où ils jettent leurs déchets spatiaux.
C’est peu dire que la plongée qui va suivre est un enchantement. Sigrid Baffert déploie une fantaisie à la Lewis Carroll, mêle humour et poésie, joue avec les mots avec une formidable espièglerie et tricote des dialogues comme au théâtre, aussi piquants que savoureux. Jeanne Macaigne compose de son côté une symphonie de bleus où évolue de multiples personnages que mille détails rendent mystérieux, désopilants autant qu’étranges : des générations de vie là où s’entassent les déchets de l’industrie des hommes ne sont pas sans conséquences. C’est drôle, joyeux et légèrement flippant.
Au fond du fond de la mer, tout un peuple est ainsi réuni dans une sorte d’agora appelée « l’Antre », cachée dans une cicatrice de corail. Anémones albinos, oursins bicéphales, baudroies cyclopes, méduses mercureuses, poissons velus, crevettes bouffies, homards chromés, entourent les trois petites pieuvres. L’heure est grave car celles-ci ont vu, au-dessus de leurs têtes, une « Chose » pas comme les autres flotter à la surface de l’eau. « C’est une sorte de coquillage géant sauf que ce n’est pas un coquillage géant, on croit bien que c’est vivant dedans mais on ne sait pas si c’est vraiment vivant », témoigne Mo dans le fouillis de ses émotions. Une Chose aussi grosse que Krakenko, l’orque « dont les angoisses ravageuses n’avaient d’égal que l’appétit d’ogresse », responsable, d’aussi loin que porte la mémoire, de « sanglantes catastrophes ».
Quelle est donc cette Chose tombée du ciel ? Et comment les petites pieuvres, aidées par le Grand Bras-Ma, le poulpe yogi qui a vu bien du pays, vont-elles résoudre le mystère ? Voilà l’objet de ce conte de haute fantaisie et de discrète philosophie qui vous fera nager loin, très loin dans l’inconnu.
Télérama, TTT, Michel Abescat


Une chose étrange vient de tomber du ciel. Un truc blanc et rouge à la forme bizarre qui se met à flotter à la surface de l'eau. De quoi susciter la curiosité des petites pieuvres Mo, Saï et Vish. Elles vont venir flairer l'inconnu et s'apercevoir que l'objet non identifié n'est pas sans vie, bien au contraire : le couvercle finit par s'ouvrir pour laisser passer un personnage à la grosse tête, sans bouche et à quatre membres. La surprise est trop importante pour que le trio n'en informe pas l'assemblée des autres habitants des fonds marins : anémones albinos, crabes cornus et crevettes bouffies. Mais c'est le Grand Bras Ma qui leur fournira la solution : la chose provient du MéHéHéHé ou, autrement dit, du Monde-d'En-Haut-Et-Hors-d'Eau-des-Humains-Emmerdeurs. Tout est dit !
Sigrid Baffert, appuyée par les chaudes illustrations de Jeanne Macaigne, offre un roman jeunesse sur la confrontation de deux mondes. Celui des fonds marins accueillant à ses corps défendants la déchetterie du ciel. Car le lieu de ce conte aussi écologique qu'édifiant s'appelle Nemo, là où à l'abri des regards du monde, les humains balancent leurs déchets spatiaux. Un nom trompeur pour une triste réalité. La fiction permet à l'autrice de trouver un biais féerique pour en parler et offrir à ses petits (et gros) animaux aquatiques, une voix curieuse et sage. Une façon belle et intelligente d'aborder le sujet pour ouvrir la connaissance.
Enfantipages, Clémentine


L'une des plus belles nouveautés de la rentrée! Ce roman de Sigrid Baffert. Tout y est fort: histoire, personnages, thèmes, illustrations... et cette langue riche et fabuleuse!!!
Pour les jeunes lecteurs qui maîtrisent déjà ou en lecture aux 6 ans et plus qui en veulent!
Magnifiquement illustré par Jeanne Macaigne
Du grand art!
Le Port de tête, Katia Courteau-Pairoux


Mo, Saï et Vish observent une grosse chose ronde qui flotte à la surface de l'eau. D'habitude, les objets de cette grandeur coulent… Ce phénomène inhabituel alerte les trois pieuvres qui pratiquent un « Tcha-kou-tcha » (une danse sémaphorique) d'urgence. Rapidement, « les baudroies cyclopes, la meute de méduses mercureuses et quelques poissons velus » s'ajoutent à d'autres créatures marines et forment un cercle autour des trois céphalopodes pour les écouter raconter leur étrange découverte. Une délégation est aussitôt formée pour aller étudier ce coquillage géant qui renferme quelque chose de vivant et fait penser à l'orque Krakenko, ennemi juré de ces habitants des profondeurs. Et c'est ainsi que les exploratrices Mo, Saï et Vish font connaissance avec le Méhéhéhé (le Monde-d'En-Haut-Et-Hors-d'Eau-des-Humains-Emmerdeurs).
Sigrid Baffert s'inspire du point Nemo – là où les hommes jettent leurs déchets spatiaux – pour évoquer, d'une plume inventive, différentes questions liées à l'écologie mais aussi à la démocratie et à la solidarité. En donnant la parole aux mollusques et aux poissons, l'auteure inverse les rôles. Aux hommes alors de répondre à la question : peut-on utiliser l'océan comme poubelle ?... Les illustrations de Jeanne Macaigne véritables tableaux sous-marins habités par des créatures multiformes, subliment ce court récit qui allie qualité littéraire et graphique.
Ricochet, Emmanuelle Pelot



Coup de cœur Librairie La Virevolte


Pas si pacifique, l’océan immense et bleu! Ses fonds sont en effet sans dessus-dessous depuis qu’à la surface, une chose étrange s’est posée. Mo, Saï et Vish, les trois pieuvres découvreuses de l’objet non identifié, venu tout droit du firmament, sont à la fois stupéfiées apeurées et excitées. Car ce truc aux rayures blanches et rouges, dur autour et mou dedans, et qui de surcroît ne coule pas, elles n’en ont jamais vu! Fréquemment le ciel crache des choses, mais aucune ne flotte ainsi. Impassiblement, les divers détritus tombent toujours à pic dans le gouffre sous-marin, sous le regard impuissant de sa population marine… Donc, cette chose rouge et blanche est un mystère. Un mystère flottant et remuant. Car cette chose bouge… Fissa, les poulpes rejoignent les profondeurs et lancent un Tcha-kou-tcha de circonstance – urgence oblige -. La faune ainsi rassemblée dans l’Antre tient conseil : on discute, on réfléchit, on pèse le pour et le contre, on tergiverse. Finalement on décide de s’en remettre à la sagesse et aux lumières du Grand Bras-Ma, l’incommensurable calamar. Et voilà qu’il se met à parler du MéHéHéHé – Monde-d’En-Haut-Et-Hors-d’Eau-des-humains-Emmerdeurs -…
Une fascinante plongée dans les fonds marins, confrontés malgré eux, au fond humain – pas si bon -. Un texte fourmillant de trouvailles et des illustrations fantasmagoriques.
Les mots de la fin


C’est l’histoire du « plus gros grain de sable que la Terre ait jamais porté ». Une histoire où la plume subtile et poétique de Sigfrid Baffert embrasse les illustrations chimériques de Jeanne Macaigne.
La Courte Échelle

Le petit dernier de la collection Polynie chez MeMo. C’est encore une fois une réussite, à lire et à regarder en écoutant la mer 🌊
Librairie Au chien bleu




©Jeanne Macaigne



La Chose du MéHéHéHé
Sigrid Baffert
Illustrations de Jeanne Macaigne
Polynie

jeudi 24 octobre 2019


LE SOUS-MARIN JEANNE

Rencontre avec le monde de Jeanne Macaigne à partir de trois illustrations extraites de La Chose du MéHéHéHé de Sigrid Baffert, de ses albums L’hiver d’Isabelle et Les coiffeurs des étoiles, des couleurs de l’inconscient et de l’éveil colorisé du sur-conscient, d’histoires paressant dans un hamac l’œil bien ouvert sur les mouvements de la vie, au cœur de l’architecture de scènes habitées par la voix libre de l’enfance, portes passées vers l’infiniment grand de l’infiniment petit, corps-paysage d’une artiste posé sur le strapontin du monde, au vif, à vif, sur le vif des énergies de la Beauté

L’ŒIL

©Jeanne Macaigne

mardi 15 octobre 2019

FLATI-FLUTIS DANS LE MÉHÉHÉHÉ


©Jeanne Macaigne

SECONDE PARTIE : CE QUI FAIT LA NOBLESSE D'UNE CHOSE

NEMO NOMMÉ
Quel écrivain n’a pas fantasmé sur les mondes sous-marins atypiques et isolés, du triangle des Bermudes à l’Atlantide ? Quand je suis tombée sur cet article étonnant de Slate, j’ai compris que j’avais déjà parcouru la moitié du chemin vers mon histoire. Je suis souvent partie de lieux atypiques pour faire germer mes personnages (une friche touristique, une roue de manège, un magasin d’accastillage, une brasserie artisanale, un rocher étrange, un désert rouge…) Ce point Nemo, au goût éminemment vernien, était un creuset magnifique d’histoires. Dans la réalité, au « Point Nemo », la flore et la faune ne se sont pas développées, le lieu étant trop éloigné de toute terre pour que le plancton fertile puisse y être drainé par les courants marins. En revanche, quel cadeau pour l’imaginaire d’un auteur ! Que faire de tous ces morceaux de vaisseaux au fond de l’eau ? Et si les animaux des abysses ne se contentaient pas de subir et créaient à leur tour avec ces déchets, un peu comme une métaphore de la résilience ? Le seul moyen de supporter la merde est d’en faire une belle sculpture…

©Jeanne Macaigne


Quand il frappa les lames de métal à l’aide de tiges, l’engin brama des sons inconnus, entre râles d’icebergs et hoquets de lamantin. Les ondes se mirent à enfler entre les eaux, si bien que même les parois du DôMéduse vibrèrent. Les trois pieuvres en eurent des frissons jusqu’au bout des tentacules.
− Oh oh, grimaça Mo, faudrait songer à accorder votre machinargos.


VIVANT INÉPUISABLE
Je crains les textes pontifiants, les messages péremptoires. Je n’ai pas cherché à écrire une histoire « écologique ». Ce texte a poussé d’ailleurs sur un terreau paradoxal. J’ai été de ces enfants qui ont fantasmé sur la conquête de l’espace, qui se sont extasiés sur les images du télescope Hubble et de l’ISS. Pourtant ce qui m’a fait rêver (et continue de me faire rêver) est aussi retombé sur terre, au fond des océans en fragments calcinés. Des rêves irradiés au fond des océans… Le fantasme est devenu cauchemar. Or aujourd’hui, toute la chaîne du vivant est touchée. Aujourd’hui, même le point le plus éloigné au cœur des océans est entaché par les rêves spatiaux de l’Homme.
J’aime le jeu des contrastes, des contraires, mais aussi les frontières poreuses, les mariages inattendus, les entremêlements. J’ai toujours été fascinée par l’infiniment grand (les étoiles et les constellations que l’on retrouve souvent dans mes romans) et l’immensité de l’eau (j’ai fait un peu de voile dans ma jeunesse et j’ai des souvenirs éblouis de navigation de nuit.)
L’eau, la mer, la mère. Le ciel, le père. Deux figures mythologiques au cœur de nombreux contes sur la création du Monde. Si au milieu de cette cosmogonie, on ajoute une pincée d’absurde et de dérision, on fait naître là une matière de récit inépuisable.



Peu à peu, une foule multiforme s’aggloméra autour d’elles, nageant, palpitant, rampant, glissant, floufloutant. Autour de la colonie échevelée d’anémones albinos et d’oursins bicéphales se réunirent d’abord les baudroies cyclopes, la meute de méduses mercureuses et quelques poissons velus. Suivirent les crevettes bouffies, les homards chromés et l’escadron de crabes cornus. Enfin se joignit à l’auditoire la cohorte goudronneuse de concombres de mer.
− Que nous vaut ce grand ramdam ? interrogea un vieux poulpe manchot avec autorité, une fois la Cour des Miracles ébrouée en cercle.
−Une-Chose-pas-comme-les-autres-ronde-dure-et-molle-à-moitié-rayée-aussi-grosse-que-Krakenko-et-qui-coule-pas, lâcha Mo dans un souffle ravi.


RENCONTRES DE TOUS LES TYPES
Je préfère toujours parler des « blessures du réel » par le truchement du conte et de la fantasmagorie. C’est souvent plus fort, plus universel. Plus cathartique aussi. Dans ce récit, je n’avais aucune velléité scientifique, tant au niveau des espèces marines que des déchets spatiaux (je n’en ai d’ailleurs pas les compétences.) Le lecteur en déduit lui-même ce qu’il veut. Il découvre là une communauté mutante, qui s’est adaptée tant bien que mal à son environnement dénaturé. L’avantage du conte est d’offrir une infinité de déploiements possibles par le jeu de l’invention de langage. Les personnages peuvent se livrer allègrement à des rituels imaginaires, des tcha-kou-tcha, des danses de flati-flutis… 

©Jeanne Macaigne


− Écoutez-moi ! Je sais bien que nous n’avons pas tous la même vision des choses, mais on ne peut pas prendre de décision hâtive ! On a besoin d’élaborer une stratégie méticuleuse et rigoureuse pour…
− Ouais ben y en a marre d’attendre ! lança le crabe cornu en tambourinant sur son corail. On est déjà à la merci de Krakenko, alors, cette satanée Chose, c’est nous qui allons lui faire la peau !
− Allons, allons, les amis ! intervint le vieux poulpe à son tour pour tenter de calmer les esprits. Laissons passer le grain et remettons le débat à demain.
− Tintin, l’ancêtre, on ne remet rien ! Moi je dis que si on ne bouge pas maintenant, les choses vont empirer, et à la fin, on va tous finir boulottés !


AGORA OU DE LA COMMUNAUTÉ
Ce récit était le prétexte et le lieu de poser là toute une communauté de vie, et donc d’expressions diverses. L’Antre est un refuge, mais aussi une tribune, un forum public (au sens grec) où les avis et les opinions s’expriment.
L’inconnu provoque toujours des réactions étranges, de rejet ou de fascination. Dès lors que l’on injecte un grand danger dans un groupe hétérogène, tout explose, les certitudes volent en éclats, les visages se révèlent, des figures se détachent. Et très souvent, ce ne sont pas les soi-disant plus solides qui sont les plus courageux…


©Jeanne Macaigne


− On devrait peut-être d’abord prévenir les autres.
− Oui, prévenons les autres, conclut Saï, ses grands yeux d’opale rivés sur la Chose, oscillant encore.
Les trois pieuvres s’enroulèrent sur elles-mêmes pour prendre leur élan, puis se propulsèrent vers les profondeurs.


NOTRE SOL
L’univers marin est souvent inquiétant, par son immensité et son extrême mouvance, sa plasticité liquide. J’ai donc vite ressenti le besoin de créer un Antre. La nature humaine (et animale) a besoin d’un point d’ancrage et d’un refuge. Le trio de pieuvres fait d’innombrables ballets entre le sol (l’Antre) et la surface, ouverte vers l’inattendu et le monde du MéHéHéHé (la Chose). Et quand le sol bouge trop, le seul point d’ancrage, ce sont les autres, humains ou animaux. Les autres deviennent notre sol… ou une chausse-trappe !


©Jeanne Macaigne


Au sein de l’Assemblée, le Grand Bras-Ma divisait les esprits, et seule sa taille honorable de calamar géant lui conférait une certaine autorité. Il était l’un des rares à ne pas redouter les crises de boulimie de Krakenko et à nicher hors de l’Antre, au milieu du Cimetière-des-Choses-Brûlées. Il s’était installé dans le coin de nombreuses lunes auparavant, pourtant il restait « l’Étranger-venu-de-Loin ». On racontait qu’il avait vécu plusieurs vies dont l’une d’elles en captivité dans une grande boîte carrée transparente durant des années, avant d’être relâché. Les langues velues aimaient colporter qu’il avait été cobaye dans un lieu tenu secret, puis prédicateur, bookmaker ou espion des grands fonds. Suivant la météo des craintes, on le disait fou, on le disait sage, on murmurait des blagues sur son passage.


RÉINVENTER LE MONDE OU LE GRAND BRAS-MA
Le Grand Bras-Ma est né de plusieurs réminiscences de mon enfance. De mes amours lewis-carrolliennes. Mêlées à un petit clin d’œil (de néophyte) sur la mythologie hindoue aussi. J’avais envie d’un poulpe yogi pour confronter aussi la position plurielle des membres de la communauté de l’Antre. Il y a toujours un « original » dans un groupe, qui suscite fantasmes et polémiques. Le Grand Bras-Ma est un sage pour les uns, un illuminé pour les autres. Il est de toute façon « l’étranger dont il faut se méfier », puisqu’il a frayé avec le monde humain. Il est néanmoins le seul capable de servir d’intermédiaire avec la Chose, dans une tentative – interrompue - de communication. Seule la musique permet une communication universelle. La scène finale avec le Vibrargos est modeste  hommage personnel à une scène anthologique d’un film de Spielberg, Rencontres du Troisième Type, où l’on voit les hommes utiliser la musique et les gestes pour communiquer, avec le fameux codage de l’ethnomusicologue et pédagogue hongrois Zoltán Kodály.
Le Grand Bras-Ma est né aussi d’une expérience personnelle plus récente : alors que je revenais de visiter la dernière demeure de Léonard de Vinci au Clos Lucé où sont exposées des reproductions de ses inventions et machines, une amie chère (et par le plus grand des hasards, éditrice) m’a fait remarquer qu’il serait intéressant de puiser aussi dans cet univers. « Et si Le Grand Bras-Ma était un Léonard des océans ? » Chiche !



©Jeanne Macaigne

Première partie de l’entretien : On est bien peu de Chose